P.PABOUDJIAN
Le SOIR (Liban)
28 NOVEMBRE 1969
DIKRAN KHOUBESSERIAN : SCULPTEUR
Architecte bien connu des milieux libanais, Dikran
Khoubesserian est le réalisateur de la cathédrale
arménienne Saint Nichan (1938) à Beyrouth ;
œuvre de jeunesse où l’on relève
déjà un caractère que les audaces
ne rebutent pas. Exprimer avec du béton nu, considéré
à l’époque comme un matériau
pauvre, sa conception architecturale, dans un style
élaboré au XIe siècle pour la pierre,
était une tâche difficile à faire
admettre.
Dikran architecte talentueux et original a toujours
été intransigeant pour son art. Plutôt
que de se plier aux amendements proposés à
son projet par le client, il préférait
travailler pour des collègues plus souples que
lui à traiter avec eux.
Au Liban, pour se retremper dans une ambiance artistique
totale, il fréquentait l’atelier de Galentz
où il essayait de peindre et de sculpter.
Sincère envers lui-même, son architecture
ne pouvait le conduire qu’à la sculpture.
Rompu à la recherche des harmonies des lignes,
des surfaces, des volumes dans l’espace, il ne
pouvait se retrouver totalement qu’au sein de
la sculpture. Sculpter pour son plaisir, seul, loin
des contraintes imposées à l’envol
de son imagination créatrice, couler sa vision
esthétique dans le bronze poli. Quant à
le doter un jour, qu’importe s’il a à
supporter les frais des fondeurs ; qu’importe
si ses œuvres s’entassent sur les rayons
de son atelier. Pour Dikran, sculpter était une
libération.
(…)
Parmi les sculpteurs du siècle ; Dikran
aime les œuvres de Maillol. Il ne les imite point ;
il s’est donné une manière propre.
Son style à lui.
À travers un art varié, tour à
tour abstrait figuratif libéré de toute
convention passe un souffle esthétique personnel ;
donnant à ses créations une solide unité
artistique.
Ses références à l’anatomie
humaine plaisent. Elles ne sont que le support à
l’élan de son esprit artistique, riche, créateur.
De l’anatomie humaine, il ne conserve que le strict
nécessaire – les membres, les têtes
peuvent disparaître – le reste s’assouplit,
s’incurve sous ses doigts, en des volumes élégants,
généreux sensuels.
(…)
La lumière captée à flot caresse
les contours, en reflète le fini, s’accroche
aux sommets, pour marquer des repos puis poursuit son
trajet, imprimant mouvement, chaleur et vie aux nouvelles
formes modelées par l’artiste. Elle ouvre
aux sens et à l’intelligence un mode de
délectation esthétique.
Dikran a trouvé son chemin.
Il ira loin.
Nous nous en réjouissons.
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