Jean DALEVÈZE
Les Nouvelles Littéraires 1969
DIKRAN est à la fois architecte et sculpteur,
et les deux disciplines s’accordent bien, qui
l’une et l’autre ont pour objet d’élever
dans l’espace des formes sur quoi joue la lumière.
Il y a là parenté, affinité. Ce
n’est pas un hasard si les grands sculpteurs comme
Michel-Ange furent aussi architectes.
Paul Valéry fait dire à Phèdre
parlant d’Eupalinos le constructeur «Il
préparait à la lumière un instrument
incomparable, qui la répandit, tout affectée
de formes intelligibles et de propriétés
presque musicales, dans l’espace où se
meuvent les mortels». Et ne voilà-t-il
pas aussi bien définie la sculpture, et pourrait-on
dire, singulièrement celle de DIKRAN ?
Ce sont ces «propriétés presque
musicales», dont parle Valéry, qui m’arrêtent.
Dans le silence où elles s’offrent à
nous, les sculptures de DIKRAN ont de ces résonances-là,
courbes et contrecourbes qui s'épousent et s'équilibrent,
volutes et arabesques qui s’élèvent
dans l’espace déployant leurs harmoniques
et leurs lignes mélodiques. Elles sont dirait-on
habitées par un chant intérieur, un de
ces chants orientaux faits de modulations et de notes
longuement «tenues».
Le sculpteur est d’origine arménienne,
il a longtemps vécu à Beyrouth, dans la
familiarité quotidienne de la mer et des plantes
de là-bas. Et son œuvre en garde l’empreinte:
femmes végétales et plantes-algues. Allant
rarement jusqu’à l’abstraction pure,
ses sculptures aux volumes équilibrés
épanouissent leurs formes gonflées de
sève en un jaillissement vigoureux.
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